Le philosophe André Gorz et sa femme Dorine, âgés l'un et l'autre de 84 ans, ont été retrouvés hier, à leur domicile de Vosnon (Aube), allongés l'un à côté de l'autre. Ils ont sans doute choisi de mourir comme ils avaient vécu, ensemble. « Tu vas avoir quatre-vingt-deux ans. Tu as rapetissé de six centimètres, tu ne pèses que quarante-cinq kilos et tu es toujours belle, gracieuse et désirable », écrivait André Gorz en préambule de son dernier livre, une centaine de pages d'un texte bouleversant de justesse et de profondeur adressé à sa femme.
Douce ironie du destin, Lettre à D. (Éditions Galilée), paru il y a un an, avait connu un succès auquel ses livres de philosophe préoccupé surtout de la chose publique ne l'avaient pas habitué. Son premier essai, Le Traître, paru en 1958 était préfacé par Sartre. Collaborateur des Temps modernes, André Gorz avait participé à la fondation du Nouvel Observateur pour lequel il travailla jusqu'à sa retraite sous le nom de Michel Bosquet.
Dorine, qu'il avait épousée en 1949, accompagnait fidèlement sa vocation de penseur et d'écrivain. Dans Lettre à D. rédigé alors que sa femme souffrait depuis plusieurs années d'une maladie évolutive, il avouait avoir pris conscience tardivement du rôle essentiel qu'elle avait tenu dans son oeuvre autant que dans sa vie. Il écrivait en conclusion : « Nous aimerions chacun ne pas survivre à la mort de l'autre. Nous nous sommes souvent dit que si, par impossible nous avions une seconde vie, nous voudrions la vivre ensemble. » Peut-on imaginer plus bel épitaphe.
A. L.. Publié le 25 septembre 2007 Le figaro
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